la poesie contemporain francais
la poesie contemporain francaisen 1997 jean-pierre Depertis a classifié comme suis les différent théses inscrites sur la poésie contemporaine :
1.« La poésie contemporaine ». L'adjectif ici est très important. Si l'on ne dit pas qu'elle est « contemporaine », on ne sait plus très bien de quoi il s'agit. Il n'est pas essentiel cependant de savoir de quoi elle est « contemporaine ». Elle est « contemporaine », c'est tout.
Ça veut surtout dire qu'elle n'est pas un genre littéraire. « Poésie » seule laisse entendre qu'on parle d'un genre : la versification. Pas « poésie contemporaine ».
2. Comment expliquer mieux ce qu'on doit entendre par « poésie contemporaine » ?
Disons que, quoi qu'on écrive, on peut toujours le faire innocemment, sans trop se demander ce qu'on fait. On peut être un bon romancier, par exemple, ou un bon philosophe, un bon historien, sans n'avoir jamais pensé sérieusement ce qui signifiait et supposait écrire de la littérature, de la philosophie ou de l'histoire.
On ne peut faire de la poésie contemporaine innocemment. C'est impossible.
3. Pourquoi ? Justement parce que la poésie contemporaine, d'abord, n'est pas un genre littéraire. On ne peut donc se contenter d'imiter, d'appliquer, d'employer des règles, des moyens, avec technique ou intuition. C'est impossible.
Cela apparaîtrait immédiatement idiot, si l'on tentait de donner un « genre poésie contemporaine ».
4. La poésie contemporaine est obligée de savoir ce qu'elle fait. (Je ne veux pas dire savoir ce qu'est la poésie contemporaine et l'expliciter, ce qui serait aussi idiot.) Elle est obligée d'avoir quelques réponses sur ce que signifie utiliser la langue, un langage. Elle est obligée d'être critique du langage, de l'énonciation…
5. C'est pourquoi « la poésie contemporaine » est nécessairement « contemporaine ». Tout énoncé étant nécessairement contemporain de quelque chose, il ne peut être critiqué ou devenir critique qu'en étant mis explicitement en relation avec sa contemporanéité.
6. La poésie est devenue « contemporaine » au moins depuis Mallarmé peut-être depuis Rimbaud et Lautréamont. Et elle est devenue vraiment très « contemporaine » depuis la Première Guerre Mondiale.
On pourra observer que plus elle est « contemporaine », moins elle est un genre littéraire. Il peut sembler que « la poésie contemporaine » soit devenue moins « contemporaine » qu'à ses débuts. Il n'en est rien. La poésie qui n'est pas « contemporaine » n'est tout simplement pas de « la poésie contemporaine ». Il n'est pas toujours essentiel de trier.
7. La poésie contemporaine commence là où l'énoncé éveille sur lui-même le soupçon.
Et elle continue si elle est capable d'avancer ainsi sans se casser la figure (de style), en faisant vaciller les systèmes de représentation et leurs rapports au réel.
8. Dire seulement « poésie contemporaine », envisager qu'il y ait, qu'il puisse y avoir « poésie contemporaine » est déjà poser implicitement une critique de la raison discursive. C'est jeter un soupçon sur toute forme d'énoncé, pas seulement littéraire, mais aussi scientifique, juridique, philosophique, religieux, politique…
Dire « poésie contemporaine » est déjà s'embarquer dans la poésie contemporaine.
9. « Je vois, la poésie contemporaine c'est se prendre la tête quand on prend la plume. -Non, c'est plutôt prendre son pied. Les pieds sont plus important que la tête, et pas seulement pour versifier. C'est d'abord savoir où on les met, partir de là, et avancer. »
Etre « contemporain » c'est être « en même temps que », être là, dans le moment.
10. Faire de la poésie contemporaine, c'est placer l'énoncé dans le moment, le réel, en faire un acte, et non faire entrer le moment, le réel, dans l'énoncé.
C'est tout bête en somme, c'est à la portée d'un enfant, mais ça chasse une illusion : celle de croire que le réel serait entré dans l'énoncé. Tout discours qui prétend énoncer le réel sans mettre en cause son rapport au réel, sa contemporanéité, s'en trouve démasqué.
11. En un sens, l'acte de poésie contemporaine peut bien se faire naïvement — l'acte initial, le premier pas —, et même se poursuivre naïvement, avec candeur : il ne chasse pas moins une illusion, une innocence qui peut aussi bien être érudite et retorse.
Dans la poésie contemporaine, la naïveté ne saurait être innocente.
12. La poésie est futile. Toute poésie est futile. Quiconque est convaincu de l'importance de ce qu'il énonce ne se soucie ni de figure, ni de métrique. Et pourtant tout énoncé est fait de figures et de métrique. S'en rendre compte est sortir de l'innocence de l'énonciation.
13. Prends des énoncés qui en principe ne sont pas futiles : Les Cantiques de Salomon, la Sutra de la Terre Pure, les discours de Robespierre à l'assemblée, le Tao Teu King, le Traité de la Lumière de Descartes, le Coran… On peut les lire en ignorant leur poétique ou en y étant attentif. Et la lecture peut en être profondément changée.
La poésie est futile, et une attention à la poétique de textes qui ne sont pas poétiques peut être sentie comme une « profanation ». Mais l'ignorance de leur poétique ne cache-t-elle pas qu'on en serait seulement dupe ?
14. La poésie contemporaine est le remède à toute idolâtrie.
Il peut y avoir une idolâtrie de la poésie contemporaine — il y en a une, c'est certain — mais pas de poésie contemporaine idolâtre.
Même si le poète contemporain voulait être idolâtre, il ne serait qu'ironique, sauf à cesser d'être poète, ou contemporain.
15. La poésie contemporaine ne peut être enseignée, si ce n'est sa petite histoire, les anecdotes de la poésie contemporaine.
Enseigner la poésie contemporaine pourrait être enseigner une certaine philosophie du langage. Mais aucune philosophie du langage n'est la poésie contemporaine, et l'enseignement de la poésie contemporaine devrait apprendre à la pratiquer.
16. Enseigner la poésie contemporaine serait apprendre à faire tomber les soupçons sur l'énonciation. Le maître devrait donc commencer par les faire tomber sur la sienne.
Lin Tsi aurait été un bon professeur de poésie contemporaine.
17. On a cru quelquefois que la poésie était chose sérieuse, grave et profonde. Elle n'est que métrique et figures. Comment se soucier d'artifices aussi futiles quand on songe à des choses sérieuses ?
Autant attendre que, d'intenses émotions, de claires conceptions, de précises perceptions, de pleines compréhensions… les mots justes coulent d'eux-mêmes. On n'attendrait d'ailleurs pas en vain.
18. La question n'est pas là. Plutôt est-elle : comment sentir, voir, concevoir, percevoir… avec assez d'acuité ?
Et la langue peut en être un outil efficace.
C'est ainsi que la poésie est devenue contemporaine
La poésie a depuis toujours été le lien reliant l’homme à son âme. Une voix qui s’échappe de l’être dépassant les frontières et le temps. Au Coin de la Poésie a pour but de partager avec vous l’amour des mots, la magie du verbe. Un poème ou un texte poétique vous sera offert périodiquement. L’œuvre choisie sera accompagnée d’une note biographique sur l’auteur ou auteure.
Lynne Dunn
***
La mort des amants
Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Consumant dans l’extrême nos chaleurs dernières
Nos deux cœurs brilleront comme deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières,
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux ;
Et plus tard un ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Charles Beaudelaire
Charles Beaudelaire est né à Paris en 1821 et il y est mort en 1867.
Du Romantisme, Beaudelaire hérite la vision du poète en marge de la société humaine, plus près de Dieu ou de Satan que du monde terrestre.
Son œuvre montre bien son détachement matériel et sa recherche de la spiritualité.
Savanes infinies
savanes infinies qu’on croyait éteintes depuis toujours
la tendresse des fruits que nous mangeons vient
sans jamais cesser d’éveiller un travail
rendu visible un cou évitant pour mieux jouer
la gorge tremble accrochée aux frémissements
qui la font basculer en rêve sans répit
entendre l’énergie de cette rivière insensée
qui court se régénère et nous poursuit
rompue qui finit par se diviser
pied des monts selon qu’on arrive on repart
le secret de ces repaires encore mal détachés
la visite rythmée par la frappe la promesse
d’un avenir projeté et morcelé dans le récit~
François Charron (1952 -…)
Né à Longueuil au Québec, poète, essayiste, il se destine d’abord à l’enseignement, puis en 1977 il se consacre entièrement à la littérature.
Auteur de nombreux recueils, récipiendaire de plusieurs prix littéraires, sa poésie s’ouvre au cheminement de l’être. Le temps, la langue, la communauté, l’identité sont les thèmes les plus souvent abordés.
***
Savanes infinies
savanes infinies qu’on croyait éteintes depuis toujours
la tendresse des fruits que nous mangeons vient
sans jamais cesser d’éveiller un travail
rendu visible un cou évitant pour mieux jouer
la gorge tremble accrochée aux frémissements
qui la font basculer en rêve sans répit
entendre l’énergie de cette rivière insensée
qui court se régénère et nous poursuit
rompue qui finit par se diviser
pied des monts selon qu’on arrive on repart
le secret de ces repaires encore mal détachés
la visite rythmée par la frappe la promesse
d’un avenir projeté et morcelé dans le récit
François Charron
***
Le soleil brillera demain
Ce matin il pleuvait sur la ville
Et ton cœur est mouillé de chagrin
Car le soleil a gagné l’exil
Et ton amour le même chemin
Tu refuses d’ouvrir les paupières
T’as fermé ta fenêtre à la vie
Tu ne respires plus que de la poussière
Tu ne crois plus à la poésie
Mais le soleil brillera demain
Ses rayons forceront ta fenêtre
Tu sentiras en toi tout renaître
Et la vie te tendra la main
Quant à l’amour que tu as perdu
C’est peut-être aussi bien de la sorte
Et dis-toi que la vie t’emporte
T’emporte vers un cœur inconnu
Monsieur Soleil depuis quelque temps
A séché les pavés de la ville
Et la fillette au bras d’un amant
Se promène, amoureuse et fragile
Moi, je la regarde tristement
À mon tour, j’ai perdu le sourire
Mais c’est elle qui est là pour me dire
Avec un petit air d’enfant
Le soleil brillera demain
Claude Gauthier
Claude Gauthier (1939…)
Né au Lac-Saguay dans les Laurentides. auteur, compositeur, chanteur, comédien, il fit ses débuts à l’époque des Boîtes à chansons.
Il remporte en 1961 avec sa chanson Le soleil brillera demain, le concours Les Étoiles de demain à CKVL ce qui donne le coup d’envoi à une belle et fructueuse carrière.
***
Profondeur de rêve
Tout l’eau des solitudes
Et le sable lent, lisse à souhait
Dans l’instant ou ton être a surgi .
L’ombre jetée sur la mer. pâle
Comme un débris de couleur
L’ouvrage agrandi de tes prunelles
Dans le sang suspendu aux embruns .
L’or pris à la gorge, l’or rare
Des feuilles captives du vent .
Le grand désordre des graminées
Dans le bois des avalanches endormies .
Quand épée de pluie, phares,
frondes, herses, pales, pics
et couteaux de chair vive ,
sous l’abondance de ciels troués
plantent leurs larmes, leurs crocs de lumière
dans le ventre lacéré des écorces
en arrachant un cri à la hauteur du temps
du feu porté aux fleurs de l’écume
pour disparaître avec l’épave des nuits
dans la fournaise blanche de mes songes.
Éric Allard
Éric Allard (1959 - ….)
Né à Charleroi en Belgique, il est professeur de mathématiques.
Il nous offre des poèmes inspirés par l’amour et la nature.
***
Le secret
Tout au fond de l’océan
Gît un coquillage arc-en-ciel,
Il est là, toujours, brillant paisiblement
Sous les plus hautes vagues des tempêtes
Comme sous les bienheureuses vaguelettes
Que le vieux Grec appelait rides de rire.
Écoute – tout au fond de l’océan
Le coquillage arc-en-ciel chante,
Il est là, toujours, chantant silencieusement.
Katherine Mansfield
Née à Wellington en Nouvelle Zélande, son premier ouvrage fut publié alors qu’elle n’avait
que 9 ans.
Ses écrits mettent en relief sa grande solitude et l’étroitesse d’esprit de la société dans
laquelle elle évoluait. Elle fut fortement influencée par Anton Chekhov.
***
Lettre
Tu m’as dit si tu m’écris
Ne tape pas tout à la machine
Ajoute une ligne de ta main
Un mot un rien oh pas grand chose
Oui oui oui oui oui oui oui
Ma Remington est belle pourtant
Je l’aime beaucoup et travaille bien
Mon écriture est nette est claire
On voit très bien que c’est moi
qui l’ai tapée
Il y a des blancs que je suis seul à savoir faire
Vois donc l’œil qu’à ma page
Pourtant, pour te faire plaisir j’ajoute
à l’encre
Deux trois mots
Et une grosse tache d’encre
Pour que tu ne puisses pas les lire.
Blaise Cendrars
Poète et nouvelliste, né à Chaux-de-Fonds en Suisse, il quitta le foyer paternel à l’âge de 15 ans et se rendit à Moscou.
Il est considéré comme une figure dominante de la littérature d’avant la Première Guerre Mondiale. Son célèbre poème-fleuve La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France est sans doute la plus connue de ses œuvres.
***
Quand il neige sur mon pays
Quand il neige sur mon pays
De gros flocons couvrent les branches.
Et les regards sont éblouis
Par la clarté des routes blanches .
Et dans les champs ensevelis,
La terre reprend le grand somme
Qu’elle fait pour mieux nourrir l’homme,
Quand il neige sur mon pays
Quand il neige sur mon pays,
On voit s’ébattre dans les rues
Les petits enfants réjouis
Par tant de splendeurs reparues.
Et ce sont des appels, des cris,
Des extases et des délires,
Des courses, des jeux et des rires,
Quand il neige sur mon pays.
Quand il neige sur mon pays
C’est que tout le ciel se disperse
Sur la montagne et les toits gris
Qu’il revêt de sa claire averse, ou qu’une avalanche de lis
De sa pureté nous inonde…
C’est le plus beau pays du monde
Quand il neige sur mon pays !
Albert Lozeau
Né à Montréal. Devenu paralysé à 18 ans, il se consacre alors entièrement à l’écriture.
Sa poésie exprime son amour de la nature québécoise. « L’âme solitaire » publié en 1907 montre bien ses émotions et l’étendue de sa solitude.